En 2023, seulement 9 des 44 pays de l’Afrique subsaharienne atteignaient le seuil de densité en personnel médical fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit 4,45 professionnels de santé pour 1 000 habitants, un niveau nécessaire pour atteindre la couverture sanitaire universelle. Parmi ces professionnels, on retrouve principalement des médecins généralistes et des spécialistes tels que les cancérologues, gynécologues, et orthodontistes. Sur la même période, 18 pays de cette région affichaient une densité de moins d’un médecin pour 1 000 habitants, positionnant l’Afrique comme le continent le moins pourvu en personnel médical. C’est ce qui ressort d’une étude publiée au premier trimestre 2024 par le magazine économique américain CEO World.
Fuite des cerveaux
La grave pénurie de travailleurs de la santé sur le continent s’explique par plusieurs facteurs. Selon CEO World, l’insuffisance des capacités de formation, la croissance démographique rapide, la mauvaise gestion du personnel de santé, et les changements de carrière sont quelques-unes des raisons évoquées. Cependant, le principal facteur de cette pénurie reste la migration. Les analystes du magazine soulignent que de plus en plus de médecins africains choisissent de quitter le continent, attirés par “de meilleures rémunérations et conditions de travail” dans les pays développés, où la demande est également forte. “Des nations développées comme les États-Unis et le Canada attirent ces professionnels, contribuant ainsi à la déstabilisation des systèmes de santé des pays africains.”
La situation semble loin de s’améliorer. L’OMS prévoit une pénurie de 6,1 millions de professionnels de la santé en Afrique d’ici 2030, soit une augmentation de 45 % par rapport aux estimations de 2013.
Il est cependant important de noter que la répartition du personnel de santé dans la région est inégale. Par exemple, la Somalie affiche le ratio le plus faible avec seulement 0,2 professionnel de la santé pour 1 000 habitants, tandis que Maurice, avec 26,6 pour 1 000, possède le ratio le plus élevé du continent. Maurice se distingue également par l’un des meilleurs équipements médicaux et un système de santé solide, offrant des soins de santé gratuits dans les hôpitaux publics. Les Seychelles (21,1), l’Angola (21), l’Afrique du Sud (8,1) et le Cap-Vert (7,9) complètent le top 5 de la région.
La zone Franc : Un paradoxe sanitaire
La situation est tout aussi préoccupante dans les 14 pays utilisant le Franc CFA. Le Gabon est l’exception avec un ratio de 5,9 médecins pour 1 000 habitants, dépassant ainsi le seuil fixé par l’OMS. Ce résultat peut être attribué à la faible densité de population (2,4 millions d’habitants) et à un PIB de 20,5 milliards USD en 2023. Le Gabon se distingue également par une espérance de vie élevée (64,5 ans selon la Banque mondiale), bien que le pays compte seulement 0,1 dentiste et 0,6 pharmacien pour 1 000 habitants.
La Guinée équatoriale, avec 1,7 million d’habitants, suit avec un ratio de 3,5 médecins pour 1 000 habitants, tandis que la Guinée-Bissau se situe à 2,2. La Côte d’Ivoire et le Cameroun occupent les 4e et 5e places dans la zone Franc, avec respectivement 1,6 et 1,2 médecin pour 1 000 habitants. Ces deux pays sont classés 26e et 29e en Afrique subsaharienne, et 167e et 170e au niveau mondial. Le Niger, le Tchad, le Bénin et le Togo se trouvent en bas du classement avec chacun 0,6 médecin pour 1 000 habitants.
Nigéria : Un géant économique, mais pas sanitaire
Dans la CEDEAO, le Nigéria, quatrième économie du continent, n’échappe pas à la fuite massive de son personnel de santé. En mars dernier, Muhammad Ali Pate, ministre de la Santé publique, déclarait qu’entre 15 000 et 16 000 médecins avaient quitté le pays au cours des cinq dernières années, affaiblissant ainsi le système de santé du pays le plus peuplé d’Afrique. Selon CEO World, en 2023, le Nigéria avait un ratio de 3,9 professionnels de la santé pour 1 000 habitants, se classant ainsi 10e en Afrique subsaharienne. Toutefois, cette donnée doit être nuancée car, selon le ministre nigérian de la Santé, la majorité des médecins se concentre dans les grandes villes. À Lagos, on compte environ 7 600 médecins, et 4 700 à Abuja, la capitale fédérale. Dans le reste du pays, le gouvernement estime qu’il y a environ 2 médecins pour 10 000 habitants.
À proximité, le Ghana affiche un ratio de 1,6 médecin pour 1 000 habitants, soit un niveau similaire à celui de la Côte d’Ivoire, mais avec une population plus dense (33,48 millions d’habitants).
Rappelons qu’à l’échelle mondiale, Cuba reste en tête avec 84,3 médecins pour 1 000 habitants. La Belgique se classe 5e, la Russie 35e, les États-Unis 41e, la France 46e, et la Chine 74e.