Étienne Fakaba Sissoko : L’économiste malien au cœur de la répression
Étienne Fakaba Sissoko, éminent économiste et universitaire malien, se retrouve aujourd’hui en prison pour ses critiques ouvertes envers la junte militaire au pouvoir au Mali. Connu pour ses prises de position et ses publications, il a été condamné en mai 2024 à une peine de deux ans de prison, dont un an ferme, assortie d’une amende de trois millions de francs CFA (environ 4 600 euros), pour « atteinte au crédit de l’État ». Ce verdict a été perçu comme une tentative de museler une voix influente qui s’oppose au discours officiel.
Un parcours critique face au pouvoir
Étienne Fakaba Sissoko a souvent exprimé des critiques franches et documentées envers le régime militaire. Dans son dernier ouvrage, il dénonce les méthodes de communication de la junte, qu’il qualifie de « propagande » et de « manipulation ». Ce livre, publié en 2023, met en lumière une communication gouvernementale construite, selon lui, sur des tactiques douteuses et des informations biaisées, visant à contrôler l’opinion publique. Ancien conseiller du président renversé Ibrahim Boubacar Keïta et ancien analyste pour la mission de l’ONU au Mali (Minusma), Sissoko est depuis devenu une figure de proue pour ceux qui prônent un retour à l’ordre démocratique.
Une justice critiquée pour son impartialité
Le 11 novembre 2024, alors que son procès en appel était censé examiner le fond de son dossier, la cour d’appel de Bamako a reporté l’audience au 2 décembre, invoquant des vices de procédure. Cette décision maintient Sissoko en prison, suscitant des réactions d’inquiétude de la part de sa famille et de ses proches, qui dénoncent un acharnement politique. La demande de remise en liberté provisoire, déposée le 14 octobre dernier, avait déjà été rejetée par le parquet. Ses avocats contestent la légitimité des charges, soulignant que cette procédure judiciaire est un moyen de faire taire une voix critique au sein du pays.
Un symbole de la répression politique au Mali
Le cas d’Étienne Fakaba Sissoko reflète la situation tendue des libertés au Mali depuis la prise de pouvoir par les militaires en 2020. Nombreux sont ceux qui voient en lui un symbole de la répression exercée contre les opposants et les intellectuels dissidents. Depuis le coup d’État, la junte fait face à de multiples défis, tant sécuritaires qu’économiques, et semble chercher à étouffer les voix discordantes qui pourraient fragiliser son autorité. Le maintien en détention de Sissoko s’inscrit dans une vague plus large de poursuites visant ceux qui contestent publiquement la gouvernance de la junte.
En conclusion, le sort d’Étienne Fakaba Sissoko illustre les tensions politiques actuelles au Mali. Son emprisonnement, basé sur des accusations de « diffusion de fausses nouvelles » et de « perturbation de la paix publique », témoigne d’un climat de répression qui rend difficile toute critique de la junte. La prochaine audience en décembre pourrait être déterminante pour l’avenir de cet intellectuel respecté et pour l’espace de liberté d’expression au Mali.
Sources : Benjamin König (Monde, 11 novembre 2024) ; AFP (11 novembre 2024).