Des milliers de manifestants réclament le départ des troupes françaises à Niamey
La série de manifestations à Niamey, initiée par plusieurs groupes soutenant le CNSP, la junte ayant renversé le président Bazoum, a débuté vendredi après-midi par une prière collective organisée par des associations religieuses à la Grande mosquée “Kaddaffi”. Le but de cette prière était d’implorer la paix et la cohésion nationale au Niger.
Les manifestants se sont ensuite dirigés vers le rond-point “Escadrille”, devant la base aérienne 101 de l’armée nigérienne (FAN), à proximité de l’aéroport international Diori Hamani, où sont stationnées les troupes de la Base aérienne projetée (BAP) des forces françaises au Sahel (anciennement Barkhane).
Des écriteaux qui en disent beaucoup
Pendant plusieurs heures, les manifestants ont exprimé leur hostilité envers la présence des soldats français au Niger, exigeant leur départ immédiat et sans condition, comme en témoignent les pancartes brandies. Boulamine Moustapha, membre du Cadre Unique d’Action des Forces Vives du Changement (CUAFVC), une organisation de la société civile, a expliqué :
“Nous nous sommes aujourd’hui encore réunis ici à l’escadrille devant la base militaire française de Niamey pour exiger le départ définitif et sans condition de l’armée néocoloniale française de notre pays, et nous voudrions à travers ce sit-in pacifique et populaire appeler à nouveau les autorités françaises à la raison pendant qu’il est encore temps.”
ACTUNIGER
Abdoulaye Seydou, coordinateur du mouvement M62, la principale organisation à l’origine de la manifestation, a déclaré lors d’une conférence de presse :
“Notre mouvement en synergie d’actions avec certaines structures religieuses et de la société civile, a décidé d’un sit-in permanent de trois jours à compter de ce vendredi 1er septembre 2023 à partir de 15 heures jusqu’à 6 heures du matin. C’est la mobilisation générale de notre peuple pour le départ des forces françaises de notre pays comme cela a été le cas au Mali et au Burkina Faso. C’est pourquoi nous invitons toutes les structures de masses qui se mobilisent par-ci, par-là, à surseoir à toute autre action et à se joindre à nous pour une lutte plus efficace et une mobilisation plus conséquente chaque jour à partir de ce vendredi jusqu’au départ des forces françaises d’occupation de notre Pays.”
ACTUNIGER
Des vagues de manifestations progressives
La mobilisation contre la présence militaire française au Niger s’est intensifiée ces derniers jours, principalement à Niamey, à l’approche de l’expiration du délai fixé par les nouvelles autorités nigériennes pour le départ des soldats français du pays. Le 3 août, en pleine crise diplomatique entre Niamey et Paris, la junte avait dénoncé les accords de coopération en matière de défense et de sécurité entre le Niger et la France, ouvrant ainsi la voie au retrait des forces françaises dans un délai d’un mois. Malgré le refus de Paris de reconnaître la légitimité des nouvelles autorités, les associations de la société civile, soutenues par les autorités militaires, entendent faire pression sur la France à l’expiration de ce délai, qui arrive à échéance ce samedi 2 septembre.
Les manifestations prennent de plus en plus d’ampleur, en particulier à Niamey et devant la base qui abrite les soldats français, où des sit-ins quasi-quotidiens ont lieu pour amplifier la contestation. Naomi Binta Stansly, membre des Femmes Engagées pour la Sauvegarde de la Patrie (FESP), a déclaré : “Nous sommes là pour dire non aux sanctions inégales, inhumaines et inacceptables de la CEDEAO. Si vous avez constaté aujourd’hui même, les pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA sont en train de se diviser par rapport à l’attitude de la CEDEAO parce que tout simplement c’est inégal et on a compris que c’est la France qui est derrière tout cela. Nous ne voulons plus de forces étrangères dans notre pays. La France nous a exploités pendant plusieurs années, nous sommes fatigués, ça suffit, il faut qu’elle nous laisse respirer.”
Des militants qui bravent les intempéries
Le samedi 2 septembre, date de l’expiration du délai pour le départ des forces françaises, les manifestations ont repris de plus belle à Niamey. Malgré une forte pluie en fin de matinée, les manifestants ont afflué vers le rond-point “Escadrille”, rebaptisé pour l’occasion “Rond-point de la Résistance”, où ils ont exprimé leur soutien au CNSP et leur opposition aux sanctions et aux menaces d’intervention de la CEDEAO tout en exigeant le maintien des forces françaises. Les prochains jours verront une intensification des actions de mobilisation et de pression, avec pour objectif le départ des soldats français, même si les autorités françaises refusent pour le moment.
Des vives tensions entre Paris et Niamey
Dans une déclaration aux médias cette semaine, l’état-major des armées françaises a averti que “les forces militaires françaises répondraient à tout regain de tension qui porterait atteinte aux emprises militaires et diplomatiques françaises au Niger” et que “des dispositions ont été prises pour protéger ces emprises.”
Depuis le début de la semaine, les tensions diplomatiques entre Niamey et Paris n’ont cessé de s’aggraver. Lundi dernier, à l’expiration du délai de 48 heures accordé par les autorités nigériennes à l’ambassadeur français pour quitter le pays, son accréditation ainsi que ses privilèges diplomatiques lui ont été retirés. Le président français a réaffirmé la non-reconnaissance par Paris de la légitimité des nouvelles autorités militaires.
La tension est montée d’un cran lorsque, faisant suite à la décision d’expulser le diplomate français, le ministre de l’Intérieur a ordonné aux forces de défense et de sécurité d’expulser également l’épouse de l’ambassadeur, dont le visa a été révoqué.
Depuis lors, les forces de sécurité ont imposé un quasi-blocus aux locaux de l’ambassade de France, fouillant systématiquement tous les véhicules qui en sortent, tandis que les véhicules chargés d’approvisionnement en denrées et en produits d’entretien peinent à pénétrer dans l’enceinte de l’ambassade.
La junte qui répond à la France
Le CNSP a réagi aux propos tenus par le président français sur la situation politique au Niger en dénonçant “les propos paternalistes” d’Emmanuel Macron et en réaffirmant son “engagement pour la souveraineté” du pays. Les nouvelles autorités militaires nigériennes ont également accusé la France de “parrainer le terrorisme” dans la région du Sahel, malgré son engagement présumé dans la lutte antiterroriste.
L’escalade diplomatique entre Niamey et Paris suscite des inquiétudes quant aux risques réels de confrontation, en particulier compte tenu de l’affluence croissante des manifestants et de leur détermination à obtenir le départ des troupes françaises.